La prochaine fois, le feu – James Baldwin

La prochaine fois, le feu – James Baldwin

James Baldwin - La prochaine fois, le feu | Édition : Gallimard

Tu étais né dans une société qui affirmait avec une précision brutale et de toutes les façons possibles que tu étais une quantité humaine absolument négligeable.

Ne faites pas comme moi, ne vous laissez pas tromper par le petit format de « La prochaine fois, le feu » de Jasmes Baldwin. J’aurais pourtant dû m’y attendre. J’avais déjà été bouleversée en lisant la fiction dramatique « Si Beale Street pouvait parler », puis en découvrant son adaptation cinématographique. J’aurais donc dû savoir que je ne lirais pas ce second livre de Baldwin d’une traite. Mais, qu’il serait lu sur plusieurs jours et semaines tant chaque page vous marque au fer rouge dans la chair et dans l’âme. Le titre aussi aurait dû m’alerter sur la violente douceur des mots que j’allais lire.

Et pourtant.

Le livre est composé de deux parties, écrit en 1963, avec pour décor l’oppression raciale américaine. La première partie, très courte, est une lettre de l’auteur à son neveu. C’est une lettre que je pourrais tristement écrire aujourd’hui encore pour tout enfant noir à naître. En effet, le racisme institutionnel coule encore dans les veines de nos sociétés modernes. La deuxième partie est un récit autobiographique dans lequel l’auteur revient sur son enfance et le début de sa vie d’adulte discriminé parce que noir, pauvre et homosexuel. Les mots sont désespérément justes et impitoyablement foudroyants dans l’ensemble de l’ouvrage.

Ce qui rend tristement contemporain ce livre est qu’il montre que le racisme est une idéologie. Elle sert les intérêts des dominants pour créer des catégories et justifier les interactions entre celles-ci. Le Noir, le Juif, ou encore la Femme, sont inférieurs, car présentés comme tels dans cette vision faussée du monde. Il apparaît normal qu’il y ait un ordre établi, des privilèges pour les uns, la misère, l’exclusion, voire l’extermination pour les autres. Les dominés ne voient pas qu’il y a discrimination puisqu’ils vivent et pensent à travers ce prisme. Or, comme l’affirme Baldwin, tout être humain qui reste sourd et indifférent à l’injustice dont est victime un autre être humain, quelle que soit la forme de celle-ci, s’en rend complice. 

Malgré le titre vengeur et menaçant, ce livre est un appel à la communion. 

Comment ? Par la révolte intelligente, avec pour arme, la destruction de ce racisme systémique, dans tous les domaines dans lesquels il s’exprime, jusqu’aux racines dans lesquelles il tire sa force : les institutions (religion, force de l’ordre, État, etc.). Répondre à la haine par l’amour, c’est essayer de ne pas s’avilir en faisant subir à son oppresseur les traitements dont on a été victime. L’urgence de ces changements était déjà présente en 1963. Et l’épée de Damoclès, ce feu dont parle Baldwin, ne cesse de se rapprocher de nos têtes. La révolte gronde, mais doit rester consciente et nourrie d’empathie pour être efficace. Mais combien d’années encore avant que le feu salvateur ne vienne détruire l’ordre établi et laver nos sociétés de leur gangrène ?

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