L’art du Haïku – Pascal Senk & Vincent Brochard
Vous imaginez une société instituée dans « l’esprit du haïku » ? Ce serait paradisiaque : il y aurait une grande écoute, on ne serait pas dans la surconsommation mais ce qui serait consommé le serait pleinement. On éviterait le gaspillage, on vivrait de manière plus écologique, en aimant profondément la nature. Il y aurait plus d’équilibre entre extériorité et intériorité, et surtout on vivrait plus de moments pleinement vivant.
Je pratique la méditation depuis un peu plus de 5 ans. J’ai donc eu le temps d’en apprécier les bienfaits. Cependant, je m’étonne toujours de l’état de bien-être post-pratique dans lequel elle me plonge. Dès lors, il m’a semblé indispensable de découvrir l’écriture méditative, le haïku. Aimant lire et écrire depuis toute petite, j’étais curieuse de savoir dans quelle mesure, il était possible de jumeler écriture et méditation.
Cette forme de poésie est née au Japon et connaît le sens qu’on lui donne aujourd’hui depuis le XIXe siècle. Car à l’origine, le haïku désignait le premier vers du haïkaï, qui réunissait des aficionados de poésie, sous forme de joute poétique.
Un haïku, c’est un peu… comme prendre une photo…mais avec des mots.
C’est une forme d’écriture de poésie spontanée, ayant pour ambition de figer le temps. Oui, rien que ça. Et d’une certaine manière c’est ce que l’on finit par faire. Lorsque, pris dans notre quotidien, on cherche à immortaliser un instant, en écrivant ce qui nous a marqués, qu’il s’agisse de quelque chose ou de quelqu’un. Donner vie par un texte court à l’expression de l’un de nos six sens, en respectant tout de même certaines règles de style et de sémantique. Je parle de six sens, car j’ajoute aux cinq traditionnels celui lié à notre perception, qui naît de notre moi intérieur.
C’est de là que le haïku tire sa force. Dans notre capacité à rester en éveil à ce qui nous entoure et à faire communiquer notre moi intérieur avec le monde extérieur.
Cela peut paraître très philosophique et compliqué de prime abord. Oui, ça l’est un peu.
C’est pourquoi, je me suis munie du livre L’art du Haïku – de Vincent Brochard et Pascale Senk – Un livre connu pour être une référence si l’on souhaite appréhender cette forme de poésie. J’ai décidé d’écrire un haïku tous les jours, jusqu’à ce que je finisse la lecture du livre. Sacré challenge. En procédant ainsi, je me suis dit que je pourrai suivre l’évolution de mon style d’écriture, mieux mettre en pratique les enseignements acquis au fur et à mesure. J’ai eu besoin de 12 jours pour en venir à bout.
Il y a beaucoup de choses à dire sur ce livre et à retenir si l’on veut devenir un haïkiste ou haïjin (écrivain(e) de haïku). Mais je vais uniquement vous parler de ce qui pourrait vous inciter à tenter l’aventure. Pour se faire, je reprendrais la méthodologie guidée dans le livre en vous y joignant les exemples qui suivent. Pour écrire un haïku, Pascale Senk nous dit donc qu’il faut :
Partir de son expérience, de son ressenti le plus soudain ou le plus profond pour écrire un haïku
Effectivement, j’ai vite commencé à être dans un était d’éveil conscient et presque constant. Une véritable chasse à l’instant présent débuta. Tous mes sens étaient constamment en alerte. Chacun à l’affût de la moindre particularité, dans mon espace de vie et en particulier dans la contemplation de la nature, qui mérita de devenir l’objet d’un haÏku. La nature est en effet, une des grandes, si ce n’est la principale source d’inspiration des haïkistes.
Mais au final, ce n’est pas lorsque je me forçais à tout surveiller pour écrire un haïku que je trouvais un sujet d’écriture. C’est plutôt lorsque je m’éveillais en laissant mes pensées dériver, exactement comme lorsque je médite. C’est à ce moment-là que quelque chose venait taquiner mon esprit et qu’un haïku commençait à germer dans mon esprit. En faisant du yoga, en cuisinant, sous la douche, en marchant, voire même en lisant autre chose que L’art du Haïku. Quand on écrit un haïku, on écrit avec le cœur, pas avec la tête.
Retranscrire l’image qui nous a « frappé », et si possible en 3 vers de 5, 7, 5 syllabes pour écrire un haïku
C’est par exemple en m’émerveillant devant un bel orage d’été que l’un de mes haïkus préférés s’est formé dans mon esprit. J’ai toujours été fascinée par la force, la brutalité que l’on ressent, mêlées au silence hypnotique précédent l’éclair scintillant qui déchire le ciel et parfois nos tympans, par la même occasion. Et c’est cette même fascination qui s’est, presque naturellement, transformée en un texte que j’ai couché sur papier. Quant à la règle concernant la forme que doit prendre le haïku, on peut se permettre quelques libertés, une fois qu’on maîtrise bien les bases. Les haïkus modernes comportent parfois un peu plus de syllabes, ou ne se présentent pas forcément sous forme de vers. Mais il est toutefois préférable de s’attacher à coller le plus justement possible à la forme traditionnelle du haïku.
Laissez mûrir le(s) haïkus(s) pendant quelques heures ou quelques jours
Parfois, j’obtiens la forme la plus abouti de mon texte dès la première version. Et parfois non. Pourquoi ? Parce que je sens au fond de moi que le texte n’exprime pas assez bien mon sentiment. Qu’il manque un, je ne sais quoi, pour rendre justice à ce qui a capté mon attention. Une inversion d’une partie de la phrase, un autre synonyme de ce mot, voire un changement complet du texte peuvent conduire à donner vie au haïku « parfait ». Il ne faut pas hésiter à retirer des mots, trouver d’autres synonymes ou même repartir depuis le début. Il ne faut pas non plus hésiter à de nouveau laisser le texte reposer comme une pâte à pain, baigner dans son jus, le temps d’en tirer la version la plus aboutie.
Revenir à notre poème quelque temps plus tard, pour écrire un haïku
Sur cette partie, je manque parfois de rigueur. À ma décharge, il m’arrive aussi de trouver tout de suite la forme la plus aboutie de mon texte dès le premier jet. Cependant, comme pour tout récit qu’on destine au partage, il est de notre devoir de nous assurer qu’il est compréhensif. Sinon on perd tout l’intérêt du partage. Je prends donc toujours soin de lire mon texte à haute voix. J’essaie de me mettre dans la peau de quelqu’un qui découvre ce que j’ai écrit et de vérifier qu’il en comprend un peu le sens. Un peu, car ce qu’il y a aussi de beau dans le haïku, c’est que chacun peut se l’approprier et l’interpréter à sa manière.
J’ai donc réussi à écrire 12 haïkus en lisant ce livre.
Et j’ai décidé de continuer et d’en partager certain à ma communauté sur Instagram. En revanche, maintenant que le challenge est terminé, je ne chercherai pas à en écrire forcément un tous les jours. À mes yeux cela dénaturerait la beauté du haÏku si je procédais ainsi. Le haïku a cette beauté libre qui le rend d’autant plus fort qu’on le laisse venir à nous.
Aujourd’hui, j’ai un petit carnet qui commence à se remplir doucement de tous mes haïkus. Ceux que j’ai partagés ou pas. Ceux que j’ai terminés ou pas. Et ce qu’il y a d’apaisant dans l’écriture de haïku est de relire ces textes écrits il y a quelque temps et de les regarder comme on regarde un album photo. C’est une sorte de témoin de mon inconscient connecté à mon conscient et à mon environnement. Je revois mon état émotionnel, ce qui m’a rendu joyeuse, contrariée, moqueuse (oui, l’humour est aussi partie prenante de l’écriture de haïku) ou en colère.
Gardez en tête tout de même que le haïku n’a pas pour vocation de célébrer uniquement le beau.
Bien au contraire. C’est le principe du wabi-sabi ou perfection dans l’imparfait. Écrire des haïkus, c’est célébrer la vie, sa vie, sous toutes ses formes, par des mots, simples ou non, beaux ou non, mais qui résonnent. Peut-être qu’ils feront même raisonner le moi intérieur de ceux et celles avec qui vous les partagerez.
Et si après avoir lu tout cela, vous ne souhaitez pas écrire de haïku, mais souhaitez tout de même en ressentir les bienfaits ? Eh bien, la bonne nouvelle, c’est qu’on peut améliorer son bien-être en lisant des haïkus. L’art du Haïku en contient beaucoup, dont certains écrits par les maîtres haïkistes, Bashô, Issa et Shiki.
Bashô, Issa, Shiki – L’art du Haïku – Pour une philosophie de l’instant – Vincent Brochard et Pascale Senk