Gaël Faye – Petit pays

Gaël Faye – Petit pays

Petit Pays - Gaël Faye | Éditions : Grasset & Fasquelle

Il m’obsède ce retour, je le repousse, indéfiniment, toujours plus loin. Une peur de retrouver des vérités enfouies, des cauchemars laissés sur le seuil de mon pays natal. Depuis vingt ans je reviens; la nuit en rêve, le jour en songe; dans mon quartier, dans cette impasse où je vivais heureux avec ma famille et mes amis. L’enfance m’a laissé des marques dont je ne sais que faire.

J’ai choisi ce roman, car j’ai vu qu’il avait été récompensé du prix Goncourt des lycéens. J’étais donc intriguée. Je ne connaissais pas l’auteur. Après m’être renseignée, j’ai découvert qu’il est chanteur, auteur-compositeur-interprète. Il a également réalisé plusieurs compositions musicales et albums. D’ailleurs, l’un de ces morceaux a le même titre que son livre.

C’est un récit partiellement autobiographique. L’auteur remonte le temps, jusqu’à son enfance. À travers les yeux du personnage principal, Gaby, Gaël s’inspire de sa vie et ajoute des éléments de fiction. C’est une histoire tragique, qui puise sa force et sa beauté dans le conflit qui opposait les Tutsi et les Hutu. Même si ce n’est que partiellement autobiographique, j’ai eu l’impression qu’il a tentée par ce livre, de comprendre et d’expier ses pêchés. De guérir les blessures liées à son traumatisme qui le hantent encore. 

L’histoire se passe principalement au Burundi. Plus précisément à Bujumbura.

Gaël, par les mots de Gaby raconte comment la guerre a changé chacun des personnages qu’il présente dans les premiers chapitres. Depuis l’instant qui a marqué la séparation entre ses parents jusqu’à ce que les relations entre les autres protagonistes soient elles-mêmes souillées par la guerre. Ainsi, on sent le conflit interne auquel l’auteur-enfant est soumis. Gaby se refuse à prendre parti. Même lorsque la mort vient frapper sa famille. Ce n’est que quand la guerre s’abat au sein de l’impasse dans laquelle il vit avec ses amis, qu’il considérait comme un asile coupé du monde, qu’il est contraint d’affronter la réalité. Chacun de ses amis choisissant son camps dans le conflit.

Il y a des descriptions de scènes violentes, ce n’est clairement pas un livre de bisounours.

Ainsi, dans ce roman, on parle de mensonges, de cadavre, d’enfants-soldats, de meurtres et puis forcément, de racisme aussi. Chaque protagoniste a un rapport à la guerre qui lui est propre. En effet, chacun a une, ou des raisons de se sentir concerné par le conflit armé qui éclate au Rwanda, avant de se propager au Burundi. C’est très intéressant de jongler entre les réflexions insouciantes de l’auteur-enfant et celles qui le plongent dans la réalité du conflit qui se rapproche. Intéressant et bouleversant.

Dans la manière dont le protagoniste s’exprime, même s’il est censé, n’avoir que 10 ans, j’ai l’impression que c’est l’adulte d’aujourd’hui qui parle. Le vocabulaire est parfois bien trop enrichi et le style trop poétique pour que ce soit les pensées brutes d’un enfant.

Enfin, la vie africaine est bien retranscrite également.

Ou du moins, j’ai facilement réussi à m’y projeter,  grâce à la description de scènes qu’on a tous vécues ou dont on a entendu parler. J’ai particulièrement aimé la manière dont l’auteur aborde la question de l’identité. Tant à travers sa mixité _ sa mère est une Tutsi, et son père Français_ qu’à travers le conflit opposant les deux ethnies. Les rapports et oppositions entre les classes sont aussi évoqués. L’impasse dans laquelle vit le protagoniste est habitée par des ressortissants occidentaux ou des diplomates. Le style est prenant, envoûtant.

C’est une lecture qui nous plonge dans l’Histoire et nous fait revenir au présent brutalement, marqués par la douleur, les traumas des personnages. À lire en prenant le temps, et à laisser reposer une fois terminé.

Petit Pays – Gaël Faye
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