Bakhita - Véronique Olmi | Édition Albin Michel

Il faut être accroché pour lire ce livre. J’en ai vu des films, lu des livres, traitant de l’esclavage, mais aucun ne m’avait autant remuée. Ce roman est inspiré d’une histoire vraie, celle de Joséphine Bakhita. Née au Soudan, enlevée à l’âge de 7 ans par des négriers musulmans, elle connaîtra l’enfer tout au long de sa vie. J’ai pleuré. Au début, au milieu et surtout à la fin. J’ai pleuré pour l’être humain martyrisé, violentée, abusée, torturée, exhibée. J’avais l’impression que c’était ma sœur, ma mère puis ma grand-mère qui ont été tour à tour victimes de la cruauté humaine poussée à son paroxysme. C’est une histoire captivante, j’avais beau connaître la fin, puisqu’il s’inspire de la vie d’un personnage bien réel, j’ai été happée par ce récit de bout en bout. Et, bien que se déroulant entre 1868 et 1947 beaucoup d’éléments restent tristement contemporains. 

Et je me suis demandée, que serions-nous devenus si nous ne nous étions pas entre-tués entre nous peuple de même couleur ? 

Pire, que serions-nous devenus, nous autres immigrés si un jour quelqu’un ou un groupe d’hommes n’avaient pas décidé de venir nous expulser de nos terres ? Rien qu’en écrivant ces mots, mes yeux frétillent de larmes prêtes à couler. Je ne sais pas ce qui m’a le plus bouleversé. Est-ce la vie de souffrances qu’elle a connu dès l’âge de 7 ans jusqu’à sa mort ? Je ne sais pas si je dois tant d’émotivité à la plume de Véronique Olmy ou à l’histoire bouleversante de Bakhita. Sans doute les deux. 

Cette histoire nous renvoie à la déshumanisation dont notre monde a fait preuve et continue de mener. Un livre qui fait tristement écho aux conflits que nous vivons aujourd’hui. Nous continuons à clamer qu’il y a une classification des espèces, des races, des genres, des spiritualités… de tout. Nous continuons à nous prétendre sages, repus des enseignements du passé pour mieux mener les batailles d’aujourd’hui. Où est cette sagesse acquise quand l’apocalypse climatique est à notre porte ? Où sont ces apprentissages quand on entend le galop d’une nouvelle guerre qui se met en marche ?

J’ai pleuré. Parce que cette histoire m’a rappelé que rien et tout a changé. La haine de l’autre est toujours aussi forte. Elle prend juste une nouvelle forme. On s’étonne que les hommes et femmes de l’époque de Bakhita aient pu croire, se laisser duper par les infos mensongères colportées par les médias, les politiques, etc. Mais en quoi sommes-nous différents nous qui élisons des présidents misogynes, corrompus, homophobes ou racistes ?

Qu’est-ce ce qui nous différencie de ces hommes et femmes qui affirmaient qu’une tribu méritait d’être vendue et exploitée ?

Sur quels critères différents de ceux que nous prônons aujourd’hui pour justifier nos actes inhumains ? Le sexe continue d’être un marché. Le trafic humain n’a jamais été aussi présent et fructueux qu’il l’est aujourd’hui. Merci Internet pour le dark shadow, ce monde où l’on peut tout acheter, même un enfant, comme avant. Nous continuons de voir et de ne rien faire. Nous continuons d’ouvrir nos bras à ceux et celles qu’on considère dignes d’être des Hommes et de violenter les autres, ou pire d’être dans l’indifférence.

Et je m’inclus dans cette tristesse qu’est aujourd’hui le fait d’être un Homme. Je salue toutes les Bhakita d’aujourd’hui, qui continuent malgré la laideur et la puanteur du monde d’y propager l’espoir et la couleur arc-en-ciel de la résilience. Le parfum d’un renouveau ne se fait pas encore sentir, pas celui qui annonce la brise du printemps. C’est celui de la braise, des corps calcinés et affamés que je sens, pour l’instant. 

Mais comme la foule arc-en-ciel, qui se rassemble sous l’aune de la force commune, je continue de croire que demain viendra. Je continue de croire que tout commence par l’espoir.

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