"En écrivant, en lisant" - Master class BNF, France Culture et Centre National du Livre
Leïla Slimani journaliste, et auteure de plusieurs romans dont « Chanson douce » pour lequel elle a obtenu le prix Goncourt 2016 est l’invitée de la master class, « En lisant, en écrivant » du mois de mars. Ces master classes mensuelles sont proposées par la BNF, en partenariat avec le Centre national du livre et France Culture. J’ai pris quelques notes que je te partage dans cet article.
Comment construire un roman et s’organiser ?
L’auteure s’inspire de fait divers, de ce qu’elle voit, de ce dont elle est témoin et écrit des brides d’idées quotidiennement. Et il arrive qu’une idée plus qu’une autre l’inspire, comme si elle s’imposait à elle, et qu’elle nécessite d’être transformée en roman. Elle réalise alors des recherches sur le sujet choisi afin de donner de la matière et la crédibilité à son ouvrage.
« Je ne suis pas ordonnée. Chaque jour je me dis qu’aujourd’hui je ferai tout en ordre, rangerai tout. Et chaque jour c’est le désordre absolu. J’ai des post-it partout. Au début mon éditeur ne comprenant pas ma manière d’écrire. Mais avec le temps, il a finalement arrêté de s’inquiéter et a compris que dans ce désordre, il y a avait un sens » Que toutes celles et tous ceux qui ne peuvent écrire en suivant un plan, se rassurent donc. Leïla Slimani est, en revanche, intransigeante sur un point : pour écrire un livre, il faut écrire tous les jours. Même si certains jours, seuls quelques mots seront le résultat de quelques heures ou de toute une journée consacrée à l’écriture, il faut s’atteler à la tâche tous les jours.
Personnellement, je suis un peu comme l’auteure.
Je ne peux écrire de manière ordonnée, mais en revanche mon espace de travail, lui est au carré. Si les mots me viennent par vague, ils ont besoin d’arriver dans une ambiance de travail organisée. Le désordre de mon espace de travail est un frein à ma créativité.
Quant aux personnages des romans qu’elle a écrits, elle répond qu’elle aime creuser les relations entre les protagonistes et qu’évidemment, la femme est son sujet d’analyse préféré. La femme et les petites filles, dont elle aime montrer la dualité : au demeurant angélique, mais dotée d’espièglerie et de comportements choquants, dérangeants ou inattendus. Donner de la force à ces petites filles est important pour l’auteure car elle participe à la construction identitaire des femmes qu’elle décrit au coeur de ses écrits.
De l’importance de mettre son égo de côté
Leïla Slimani a, à plusieurs reprises, insisté sur l’importance de ne pas s’attacher à son égo lorsqu’on se lance dans l’écriture. Il n’est donc pas étonnant d’apprendre qu’elle a participé à des ateliers d’écriture. En se prêtant aux différentes règles qu’on lui soumettait, elle a pu laisser parler sa créativité et bénéficier de critiques objectives sur sa technique. Elle évoque notamment une question qui lui a été posée lors de l’un d’entre eux : « pourquoi écrivez-vous ? » Ce à quoi elle a répondu : « pour la gloire, pour faire enrager mes soeurs, parce que je ne peux pas me taire, par besoin… »
Depuis le premier confinement, Leïla Slimani n’a pas chômé et s’est essayée à d’autres formes d’écriture. Elle a écrit un scénario et des BD, qu’elle n’a pas hésité à faire lire à chaque étape de leur construction, à réécrire, encore et encore, jusqu’à satisfaction complètes personnes à l’initiative de ces projets. Elle a insisté sur l’importance d’accepter et de comprendre que les critiques ne sont pas des attaques directes de ce que nous sommes, mais de ce que nous voulons dire, des pistes d’amélioration et des occasions de remise en question. D’ailleurs pour s’essayer à ces genres différents, elle recommande d’identifier ses compétences principales, « sa pâte artistique » en tant qu’écrivain et de les adapter aux critères exigés pour l’écriture de scénario et de BD.
L’auteure a également cité son éditeur dans la relation avec l’ego : avoir un partenaire d’écriture, critique et objectif, est important. Tant pour challenger son écriture que pour avoir une oreille active et un soutien dans les périodes de doutes. Il ne faut donc pas hésiter à faire appel à une personne externe, qu’il s’agisse d’un proche, d’un bêta-lecteur, de son éditeur pour nous aider à améliorer notre manuscrit.
Comment améliorer son style ?
Selon Leïla Slimani, on ne saurait améliorer son style en écrivant peu, sporadiquement, ou en ne lisant pas beaucoup. L’auteure se présente comme une dévoreuse de livres, élément indispensable à son écriture. Sur ce point, je ne suis pas totalement d’accord, car je pense que cela dépend du genre qu’on écrit. Non pas que je crois aux coups de génie, aux oeuvres qu’on pond par miracle, mais je pense que ne pas beaucoup lire ne doit pas être frein pour s’essayer à l’écriture. En revanche, je conçois qu’il soit difficile d’écrire un roman sans en lire plusieurs. Je la rejoins également sur le fait que « ce n’est pas naturel d’écrire », on doit s’exercer continuellement. On doit écrire encore et encore, comme si personne n’allait lire notre ouvrage. On doit laisser parler sa créativité, on peut tout inventer dans l’écriture. Comme elle l’a suggéré, dans l’écriture, on peut se venger de la vie en choisissant de raconter sa propre histoire, de modifier sa fin, de s’inspirer des blessures qu’on a pu subir pour nourrir nos personnages…
Enfin, l’auteure a également insisté sur le fait de dépasser ses peurs lorsqu’on écrit. La peur de ne pas plaire, la peur de jeter des textes bien écrits, mais qui ne cadrent pas avec le roman qu’on écrit, la peur d’échouer, la peur de ne pas aller au bout de son projet, la peur de mal écrire… La seule chose sur laquelle il est important de se concentrer est sur le fait d’écrire pour soi.
Je t’invite à suivre les prochaines master classes proposées par la BNF, elles promettent d’être toutes aussi enrichissantes.
Chanson douce – Leïla Slimani
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Crédit photo : Eric Dessons/JDD